Les réseaux sociaux sont-ils une mode passagère ?

Lorsque je me suis engagé à publier plus ou moins régulièrement des articles dans ce blog, je prenais un train en marche : celui des réseaux sociaux et de ce qui est désigné sous le nom de “Web 2.0”. Ma participation à ces réseaux sociaux est très limitée. Si j’ai un compte Facebook, ce n’est pas pour discuter ou partager des idées. J’ai dû l’ouvrir le jour où l’un de ses membres souhaitait me faire voir un contenu qui était réservé à ses membres. Mes participations à des réseaux tels que Copains d’avant ou LinkedIn ne se limitent qu’à reprendre contact avec des personnes perdues de vue depuis très longtemps. En ce sens, je sens bien que je ne suis pas très “Web 2.0”, comme on dit.

Ce qui pourrait caractériser cette notion de Web 2.0 est une révolution au sens de retournement : le client devient plus important que le serveur, le consommateur plus important que le vendeur.

Dans les premières heures du Web, l'information est mise à disposition depuis un serveur sans possibilités d'interactions. Le Web 2.0 s’est caractérisé par la possibilité pour l'utilisateur de choisir quand et comment il souhaite consulter une information, mais, surtout, de contribuer à son élaboration et de l’enrichir.

La possibilité, pour un utilisateur, de s'abonner de manière à recevoir le contenu d'un article ou une émission de radio laisse celui-ci décider du moment où il lira ou écoutera cette information. Elle permet également de construire une séquence entièrement personnelle à la différence d’une écoute à l’ancienne mode de la radio, des journaux papiers ou de la télévision.

Au niveau de contenu, le client n’est plus seulement consommateur, mais aussi producteur. Jusqu’à maintenant, sur ce blog, cela n’apparaît pas de manière flagrante, mais il est théoriquement possible d’enrichir le contenu par vos commentaires (quand ils fonctionnent, j’en suis conscient). J’ai, parfois, reçu des messages envoyés par la page contact qui m’ont fait corriger une information déjà publiée. Recevant par moment des courriers assimilables à du spam, je suis, parfois, contraint de désactiver cette possibilité.

À une certaine époque, j’ai répondu à quelques questions dans les groupes de discussions (newsgroups). Cette forme de contribution est en nette perte de vitesse. Sur le plan de la capitalisation d’un savoir technique et de l’entre-aide, les réseaux sociaux sont censés les remplacer. Dès lors qu’une recherche sur Internet permet de retrouver une information déjà diffusée, il est intéressant d’y contribuer. La question de la pertinence de l’information publiée se pose néanmoins, comme je l’ai évoqué dans l’article consacré aux flogs.

Il est, à ce niveau, intéressant de comparer deux méthodes qui s’opposent. En Europe ou dans un monde très traditionnel, la parole de l’expert fait référence, quand bien même, il serait seul parmi un flot de contradicteurs. Aux États-Unis et nouveaux utilisateurs mettent en avant la popularité avant l’expertise. Je mesure cet écart dans le mode de fonctionnement de WikiPédia qui met au même niveau l’expert d’un sujet et le simple curieux qui passe devant un article et se prend l’envie d’y contribuer.

J’ai souvent, constaté que le travail de groupe est beaucoup plus efficace avec mes collègues et clients américains qu’entre français. Les réticences françaises à partager des connaissances ne nous mettent pas en situation de gagner la compétition entre les pays à moins que notre éducation ne nous pousse pas à commettre des erreurs ou à mettre en avant une absence de connaissances.

La barrière de la langue constitue un second handicap. Pour ce faire entendre sur Internet, il est préférable d’écrire en anglais. Certains me rétorqueront qu’une communication en chinois en susceptible de toucher un plus large public. En l’état actuel et dans le domaine de l’informatique, l’anglais domine encore largement. Si ce blog n’est pas en anglais, ce n’est pas par acte de résistance, mais par simple constat que l’information en français est moins disponible et, qu’importe les statistiques de fréquentation et la notoriété, je préfère rendre service à une minorité d’utilisateurs pénalisée par l’anglais.

Pour le fournisseur de contenu, le mode de fonctionnement collaboratif est très bénéfique : il n’est plus nécessaire de payer des contributeurs pour construire, par exemple, une encyclopédie, des relecteurs pour corriger les fautes d’orthographes ou d’expert pour détailler les opérations à réaliser. Schématiquement, les seuls investissements à réaliser sont au niveau des serveurs et de leur logiciels et les dépenses de fonctionnement ne se limitent qu’à de l’électricité et des accès à Internet.

Par rapport à l’éclatement de la bulle Internet en mars 2000, faut-il craindre un éclatement de la bulle “Web 2.0” ? Sans doute, pour au moins trois raisons !

Si le temps passé par chacun à partager ses connaissances, ses découvertes, son retour d’expérience et ses avis était consacré à d’autres activités, le système pourrait se gripper. Dès maintenant, de nombreux utilisateurs se posent des questions sur les traces laissées par eux ou leurs amis sur Internet. Le refuge de la tour d’ivoire pourrait attirer de plus en plus de monde. Certes, il restera toujours quelques personnes passionnées, mais seront-elles suffisamment nombreuses et compétentes pour entretenir le système ?

À l’inverse, nous avons déjà vu des groupes se mobilisant pour ou contre tel ou tel idée ou personne et parvenant à le faire grimper au sommet ou sombrer dans les profondeurs de l’Internet. Les garde-fous de la démocratie directe sont encore à inventer ; il en va de sa crédibilité.

La valorisation des services rendus doit dépasser les coûts de fonctionnement. On le voit aujourd’hui sur certains sites qui fonctionnent sans publicité et pour d’autres dont la baisse des recettes publicitaires met en péril leur survie. La bulle Internet a éclaté lorsque la croissance des utilisateurs d’Internet s’est infléchie. En sera-t-il de même pour cette vague 2.0 ?

Il reste que les habitudes sont prises de retrouver une information sur Internet et que ce mode de travail collaboratif associé représente une menace pour les directions informatiques qui devront mettre à disposition de leurs nouveaux utilisateurs des moyens de travailler tenant compte de ce mode de fonctionnement.

Dans les années 80, la micro-informatique et la vision d’un ordinateur sur chaque bureau s’est imposée au détriment de l’informatique centralisée. Je suis convaincu qu’une bonne partie de la croissance de ces trente dernières années n’aurait pas été possible sans cette contribution des ordinateurs.

La généralisation de l’usage d’Internet dans les entreprises fait passer pour complètement dépassées les rares entreprises où Internet n’est pas accessible depuis l’ensemble des postes. À l’inverse, les rares entreprises dans lesquelles le réseau interne de l’entreprise est facilement accessible depuis Internet sont aujourd’hui considérées comme précoces ou faisant partie des “early adopters”.

Une nouvelle vague arrive en ce moment qui peut déborder les directions informatiques les moins agiles qui ne parviendront pas à répondre aux demandes d’échange d’informations issues des pratiques courantes d’Internet.